samedi 5 septembre 2015

5 septembre 1661 : Arrestation de Nicolas Fouquet

 
Il paraît que c'est la semaine de Louis XIV : mardi 1e, c'était sa mort, aujourd'hui sa naissance … Mais aujourd'hui fut la démonstration de force de son pouvoir au travers de l'arrestation du surintendant des finances, Nicolas Fouquet. On pense, à tort, que la fête donnée par Fouquet en août le condamna aux yeux du roi. Non, la machination a commencé bien avant cela. Je vous raconte l'histoire qui a mené à cette arrestation, et ce qui en a découlé. Petit retour au XVIIe siècle, en l'an 1661 précisément …


9 mars 1661
, le cardinal Mazarin se meurt. Celui qui a porté la régence avec Anne d’Autriche, s’éteint dans le château de Vincennes. Il doit recommander au jeune Louis XIV quelqu’un pour le seconder, et il a deux choix : Jean-Baptiste Colbert, un bourreau du travail, aussi intelligent qu’avare, qui économise davantage ses sous que ses heures, un ambitieux à l’air sombre ; ou Nicolas Fouquet, bel homme intelligent lui aussi mais dépensier, on pourrait dire bling bling aujourd’hui, accumulant les charges de procureur au Parlement de Paris et surintendant des finances. Ce dernier est pourtant à l’apogée de sa carrière et pourtant Louis XIV le juge trop ambitieux et se méfie de lui. Mazarin conseille Colbert au roi, moins sympathique mais plus efficace. Il faut dire que Fouquet possède un réseau de clients à qui il prête de l’argent. Sans oublier qu’il construit des fortifications à Belle-Île, va-t-il tenter un coup d’Etat ?
Les deux hommes ne s’aiment guère et ils ne peuvent tous les deux rester auprès du roi. Colbert, dont l’animal est la couleuvre, veut écarter son rival et sait que le monarque s’en méfie aussi. Ainsi quelques semaines après la mort du cardinal, même si Fouquet était d’apparence triomphante, l’autre agissait dans l’ombre, insistant sur le côté sombre de la politique financière, mais c’est qu’n fait, il cherchait un bouc-émissaire. « Le Nord » comme l’a baptisé madame de Sévigné, avait trempé avec Mazarin dans des affaires louches et il ne voulait pas que ça se sache. Certains, pour alléger leur conscience, vont se confesser, Colbert rejette la faute sur autrui. Le soleil et la couleuvre entreprirent donc de faire chuter l’écureuil. En surface, rien ne changeait et Fouquet se crut dans les bonnes grâces du monarque presque jusqu’à la fin. Il faut dire qu’il eut l’erreur de croire Louis XIV comme un jeune homme dont la charge était sans plaisir, qu’il préférait danser et courir les filles plutôt que de gouverner. Une erreur de jugement que ne fit pas Colbert, voyant en son roi un homme avide de gloire sous un caractère secret. Du printemps 1661, jusqu’à ce jour de septembre, le surintendant ne vit pas l’hostilité royale, et ne comprenait pas que certains de ses amis lui disent de se méfier.
 

Vous voyez, ce n’est pas cette splendide fête du 17 août qui rendit le roi jaloux au point d’arrêter son ministre. Bon, ça n’a pas dû aider, autant de luxe et de douceurs. A n’en pas douter que le jeune souverain se rappellera des magnifiques jardins lorsqu’il construira Versailles et puis Marly … Quelques jours après cette splendide fête, le surintendant demanda ce qu’on pensait de lui. Gourville, secrétaire d’Etat lui répondit « Les uns disent que vous allez être déclaré Premier Ministre ; les autres, qu’il y a une grande cabale contre vous pour vous perdre. ». S’il crut les premier au départ, les choses changèrent bien vite, il se sentit vulnérable quand on supprima les ordonnances de comptant, qui dissimulaient les dépenses secrètes. Il avait revendu sa charge de procureur, et il pensait même à s’enfuir avant le voyage en Bretagne…
 Le roi et quelques gentilshommes partirent de Paris à cheval le 29 août pour arriver le 1e septembre au soir. Quant au surintendant, prit de fièvre, partit avec une journée d’avance, fit de nombreuses haltes sur la route mais put arriver avant le roi, et s’installa à l’hôtel de Rougé. Au château des ducs de Bretagne, une drôle d’atmosphère régnait : on chuchotait, on lisait des mots qu’on cachait … il faut dire que ce jeudi 1e septembre, le roi et Colbert préparait l’arrestation de l’ennemi. On voulut l’enfermer au château de Niort, puis finalement d’Angers. Le lendemain, Fouquet assista au conseil malgré la maladie avant de se retirer. Monsieur de Brienne fut mandaté par le roi pour prendre des nouvelles du malade. A l’hôtel, Fouquet restait dans sa chambre, emmitouflé dans sa robe de chambre, allongé sur son lit. Pourtant, il se berçait d’illusions « Colbert est perdu et ce sera demain le plus beau jour de ma vie ». Il oubliait se craintes et respirait la confiance, sans savoir ce qui se tramait dans son dos. Mieux, il avait conseillé le roi sur la procédure à suivre, via lettres de cachet, sur l’arrestation de son ennemi, c’était l’histoire de l’arroseur arrosé. L’arrestation aurait pu se faire de suite, mais un autre protagoniste était malade lui aussi : Charles de Batz-Castelmore, sieur d’Artagnan. Le souverain avait besoin de lui pour l’exécution du plan mais ne fut remis sur pied que le dimanche 4 à midi, paré à sa mission.
Le matin du 5 septembre se tenait conseil et pour ne pas s’inquiéter du déploiement des troupes, on prétexta une chasse dans l’après-midi. Dans la nuit, d’Artagnan avait déployé des hommes dans la cour du château et à une porte, faisant mine d’attendre cette fameuse chasse. Après la messe du matin et donc le conseil, le roi demanda à Fouquet de rester quelques instants de plus, pour l’entretenir d’affaires diverses. Pendant ce temps-là, on ordonnait de mettre les scellés chez le surintendant. Louis faisait mine de chercher des papiers inexistants et regarda machinalement par la fenêtre, d’Artangnan était prêt, alors il congédia son ministre. L’homme ne devait être arrêté qu’une fois sorti du château, question de prérogative. Puis deux théories : celle de Madame de Motteville, disant que Nicolas Fouquet a tenté de  s’enfuir, prévenu par un de ses amis ; l’autre, tenu par l’abbé de Choisy, qu’il serait simplement parti normalement, sans conscience du danger. Toujours est-il que les mousquetaires le retrouvèrent non loin de la cathédrale dans sa chaise à porteurs. Et là d’Artagnan eut cette phrase célèbre avec son bon accent gascon « Monsieur, je vous arrête par ordre du roi. » et lui tendit la lettre de cachet, et suivit le mousquetaire dans l’endroit le plus proche pour se faire fouiller, sans faire de vagues.
La plupart des personnes présentes aux Etats de Bretagne n’étaient au courant de ce grand coup de force du roi. Puis on s’inquiéta : beaucoup étaient clients de Fouquet, et ne voulaient se retrouver mêler à une telle affaire. D’autres disaient qu’ils ne se doutaient guère de la chute du surintendant, à force de s’en mettre pleins les fouilles, l’écureuil tomberait de l’arbre ! Deux jours plus tard, le 7 septembre, le ministre déchu est enfermé au château d’Angers, puis sera détenu au donjon de Vincennes. La suite est assez simple : ses demeures sont fouillées, en présent souvent d’un Colbert jubilant, et on prend toutes les cassettes, les registres de compte, et prend le poste de son ennemi. L’année d’après, un procès des plus truqués fut organisé et Fouquet se défendit lui-même avec une volonté étonnante, pointant du doigt l’injustice et le simulacre de procès. Condamné tout d’abord à l’exil, Louis XIV changea la sentence en détention à vie dans la prison de Pignerol, sans doute le coin le moins sympathique des Alpes ! Il y restera jusqu’à sa mort en 1680. A moins qu’il ne devienne le masque de fer. Oui, c’était une des théories !
 
Cette journée sera reconnue comme le premier tour de force de Louis XIV dans sa prise de pouvoir et la volonté d’absolutisme qu’il continuera à perpétrer jusqu’à sa mort. Si Nicolas Fouquet n’était pas une oie blanche dans l’histoire, son plus gros défaut fut, comme Icare, d’avoir volé trop près du soleil

1 commentaire:

  1. Jolie plume, comme toujours. Je connais un peu l'affaire mais si l'on m'avait demandé la raison de son arrestation, j'aurai répondu à cause de la fameuse fête à Vaux-le-Vicomte... Je sais désormais que tout était engagé bien avant !

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