dimanche 2 avril 2017

2 avril 1810 : Mariage de Napoléon 1e et Marie-Louise d'Autriche

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L'empereur Napoléon 1e se remarie ! L'élue, Marie-Louise d'Autriche, fille de l'empereur d'Autriche, a pour but de donner un héritier à la dynastie Bonaparte. Mais avant, place à une grande fête digne de la modestie du bonhomme. Deux jours de cérémonies, des arcs de triomphe, des décorations gigantesques et même un feu d'artifice. Le tout avec le gratin de la cour impériale, tout le monde en grande tenue. De quoi faire tourner la tête à n'importe wedding planner ! Revenons sur cette journée du 2 avril 1810, avec la cérémonie religieuse et surtout les fêtes …


Napoléon Bonaparte n'était pas vraiment un homme à femmes avant sa rencontre avec Joséphine de Beauharnais. Ce couple a connu une ascension fulgurante, du coup d’État du 18 brumaire, la nomination de Napoléon comme Consul à vie en 1802, puis un second coup d’État où il promulgue le Premier Empire, avec le sacre en 1804. Mais l'héritier n'arrive pas, pourtant Joséphine a eu deux enfants de son premier mariage. Le couple impérial décide d'adopter Napoléon-Charles, neveu de Napoléon, car l'empereur se pense stérile. Coup sur coup, il a un fils, Charles, avec sa maîtresse Éléonore Denuelle de La Plaigne, et Napoléon-Charles meurt à l'âge de cinq ans en 1807. Finalement, Joséphine et Napoléon 1e divorcent le 15 décembre 1809, malgré leur amour mutuel.

Maintenant, Napoléon 1e cherche un bon parti pour resserrer sa position en Europe en entrant dans une grande famille. Le tour se fait rapidement : une partie des royaumes appartiennent à sa famille (Joseph roi d'Espagne, Jérôme roi de Westphalie, Louis roi de Hollande, Caroline reine de Naples avec Joachim Murat), la Grande Bretagne est l'ennemie jurée de la France … Il ne reste pas grand-chose. Napoléon se tourne vers la Russie et l'Autriche (qu'il a combattu et a fait détruire le Saint Empire Romains Germanique). Il en sort deux candidates : Anna Pavlovna de Russie, sœur du tsar Alexandre 1e, et Marie-Louise d'Autriche, fille de l'empereur François 1e d'Autriche. Mais les Romanov refusent cette union, en particulier la mère Sophie-Dorothée de Wurtemberg, qui voit avec horreur cette union. Dernier recours, l'archiduchesse d'Autriche.

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Portrait de l'impératrice Marie-Louise, par François Gérard, 1810 (Musée du Louvre)
Napoléon a 40 ans, Marie-Louise 18. Archiduchesse, elle grandit à Vienne, dans les palais de la Hofburg et Schönbrunn. Son éducation est assez simple, comme toute princesse, elle parle français et italien, a quelques notions en littérature, en géographie, en histoire, pratique le jardinage, le dessin, la broderie et le piano (on peut retrouver ces derniers dans les petits appartements de Fontainebleau). On lui apprend à être une bonne épouse, polie, aimable, docile et pieuse. Mais elle grandit surtout avec la peur de Napoléon Bonaparte, qu'on surnomme l'Ogre Corse. Encore aujourd'hui d'ailleurs, quand je suis allée à Schönbrunn, l'audioguide l'appelle ainsi, perturbant quand on ne s'y attend pas ! Ce même Napoléon la fait s'enfuir en Hongrie et elle voit le Saint-Empire se désagréger après la bataille d'Austerlitz et la paix de Presbourg le 26 décembre 1805, il ne reste que l'empire d'Autriche-Hongrie. Autant dire qu'après autant d'années à vivre dans la peur et la haine de Napoléon, quand on annonce qu'elle va l'épouser, cela lui fait un grand chose. L'historien André Castelot raconte qu'elle pensait épouser un véritable ogre !

Puis tout se précipite, Marie-Louise épouse se marie par procuration le 11 mars 1810 dans l'église des Augustins à Vienne, avant de faire ses adieux deux jours plus tard. Elle est accueillie par Caroline Bonaparte après avoir passé les trois salles temporaires, passant de princesse autrichienne à princesse française. La voici partie pour Soissons où l'attend son époux. De son côté, l'empereur s'exclame, de façon très élégante « C'est un ventre que j'épouse ». Classe, on se croirait sur Tinder.

Le futur époux se montre impatient, part à cheval rencontrer Marie-Louise à Compiègne le 27 mars. Elle est étonnée, voici que l'ogre est un homme comme les autres. Mieux, il se montre charmant et presque amoureux. Le soir même, ils passent la nuit ensemble. Apparemment, le mariage par procuration est un mariage selon Napoléon 1e. Et toujours aussi classe, il lance à homme de confiance René Savary : « Mon cher, épousez une Autrichienne, ce sont les meilleures femmes du monde ! » Quel romantique ce Nappy …

Après la nuit de noces, il est temps de se marier vraiment, histoire de faire ça bien. Le 1e avril 1810, a lieu le mariage civil au château de Saint-Cloud en présence de la famille impériale. Le lendemain, ce qui nous concerne, le 2 avril 1810, Marie-Louise entre dans Paris dans un magnifique carrosse et passe sous une maquette de l'arc de Triomphe avant de se rendre à la cérémonie religieuse. Une église pour se marier ? Pourquoi faire ? Non, marions nous plutôt au Louvre, devenu musée depuis la Révolution française, yolo ! Non, je ne plaisante pas, au grand dam de Vivant Denon, directeur général, la cérémonie a lieu dans le salon Carré du Louvre (aujourd'hui abritant les peintures italiennes), transformée en chapelle par l'architecte Pierre Fontaine, et la cérémonie est célébrée par le cardinal Fesch, oncle de l'empereur.

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Mariage religieux de Napoléon 1e et Marie-Louise d'Autriche, par Georges Rouget, 1836 (Château de Versailles)
Officiellement tout se passe bien, mais pas vraiment. Treize cardinaux ont refusé d'assister à la cérémonie, Napoléon fait l'objet d'une excommunication, le Pape n'a pas ratifié l'ordonnance de divorce avec Joséphine (même s'il est prisonnier !), il est donc considéré comme bigame. Comme toujours, les sœurs de l'empereur, Élisa, Pauline et Caroline, n'apprécient pas leur nouvelle belle-sœur qu'elles appellent « l'Autrichienne » et ne veulent pas porter sa traîne. Et dans Paris, tout le monde regrette l'adorée Joséphine, partie pour le château de Navarre, à 100km de Paris, puis à Malmaison … Mais revenons au mariage !

Le cortège quitte la salle Carré pour se rendre au palais des Tuileries, et le journal Le Moniteur le décrit parfaitement :

« La belle salle de spectacle était devenue une salle des fêtes : elle avait été disposée pour le banquet impérial qui eu lieu le soir à sept heures. On avait, à cet effet, remplacé le théâtre par une décoration absolument pareille à celle de la salle, de sorte qu'au lieu d'une salle et d'un théâtre, on ne voyait qu'une salle d'une ordonnance régulière et d'un ensemble parfait. Deux coupoles soutenues par des arcs doubles, et des pendentifs ornés de colonnes composaient cette décoration. L'une des deux divisions, parallèle à l'autre, était occupée par la table destinée au banquet impérial, placée sur une estrade, et surmontée d'un dais magnifique. […] L'empereur et l'impératrice y ont pris place au milieu des rois et reines, princes et princesses de la famille. »

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Mariage de Napoléon Ier et de Marie-Louise. 2 avril 1810 ; Banquet du mariage de Napoléon et de Marie-Louise
dans la salle de spectacle des Tuileries, par Alexandre Dufay dit Casanova, 1812 (Château de Fontainebleau)
Comme on peut le voir sur le tableau, il y a une vraie mise en scène du système familial. A droite de Napoléon se trouve Madame Mère, puis ses frères Louis et Jérôme (Joseph a été retenu en Espagne et Lucien est un paria), puis Camille Borghèse, époux de Pauline, Joachim Murat et Eugène de Beauharnais. Et à gauche de Marie-Louise, la reine d'Espagne Julie Clary (épouse de Joseph), la reine Hortense, la reine Catherine de Wurtemberg, épouse de Jérôme, les sœurs Élisa, Pauline et Caroline, l'oncle de Marie Louise l'archiduc Ferdinand, Augusta de Bavière, épouse d'Eugène, et Stéphanie de Beauharnais, fille adoptive de Napoléon et épouse de l'héritier du grand-duché de Bade.


La table est décoré de biscuits de porcelaine blanche de la manufacture de Sèvres, d'assiettes avec des décors où a voyagé l'empereur, les institutions impériales et différentes demeures. Pourtant le banquet ne dure qu'une vingtaine de minutes. L'officier Coignet raconte le repas, assez froid « On ne soufflait pas mot. Il ne fut permis de parler que lorsque le souverain maître adressa la parole à son voisin. Si c’est imposant, ça n’est pas gai ». Heureusement qu'il y avait les célébrations parisiennes pour donner un peu de gaieté ! Douze buffets se tenaient sur le Cour la Reine, des feux d'artifices illuminèrent Paris durant une bonne partie de la nuit. Les fêtes continuèrent jusqu'au mois de juin, alors que le couple impérial partit pour le château de Compiègne le reste du mois d'avril, comme une sorte de lune de miel. A tel point que la nouvelle impératrice donna naissance à un fils, Napoléon François Bonaparte le 22 mars 1811. Un mariage réussi ? De ce point de vue là, oui, c'est certain. Pour le reste, nous en parlerons une prochaine fois …  

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