mardi 13 décembre 2016

15 décembre 1809 : Divorce entre Napoléon 1e et Joséphine de Beauharnais



Rares sont les divorces dans les couples au plus haut sommet d'un État ou d'un royaume. Il y en a eu bien sûr. Certains ont même bien plus changé la face de l'Europe que certains mariages. Celui de Napoléon 1e et de son épouse Joséphine a marqué un tournant dans l'Histoire et l'ambition affichée de l'empereur de perpétuer une dynastie. Et pourtant, on ne peut pas dire qu'ils ne se sont pas aimés, et cette séparation s'avère déchirante, d'autant qu'aucun d'eux ne veut vraiment se séparer. On revient sur cette difficile journée et comment ils en sont arrivés là. Repartons à l'époque du Premier Empire …


Napoléon et Joséphine font partie de ces couples mythiques que l'on cite volontiers avec un petit sourire. Leur rencontre semblait inévitable : lui le militaire des grandes victoires, elle une star du Directoire. Après avoir perdu son mari pendant la Terreur, Joséphine de Beauharnais aurait bien besoin d'un époux pour l'accompagner dans sa vie ; quant à Bonaparte, si les femmes ne sont pas sa priorité, il tombe sous le charme de cette femme, et on le comprend. Mariés le 9 mars 1796, les voici unis pour le pire et le meilleur. Lui va de victoire en victoire, et elle de mondanité en commerce, où elle se tisse un réseau et de quoi gagner des sous. Ils forment un couple redoutable et parfait pour surmonter tous les obstacles. Sans son épouse et ses contacts, pas sûr que le coup d’État du 18 brumaire aurait pu avoir lieu !

Quand Napoléon se déclare empereur en mai 1804, qu'il se fait sacrer le 2 décembre 1804, il sacre aussi celle qui devient l'impératrice Joséphine. Une volonté d'avancer ensemble. Alors bien sûr, tout ne fut pas rose dans leur couple : elle lui a été infidèle, un peu légère au départ, on ne peut pas le nier. Mais lui aussi l'a été, personne n'est parfait, encore moins quand on se trouve tout en haut du pouvoir. Alors pourquoi divorcer en cette année 1809 ? Une seule chose gêne leur couple : l'absence d'héritier. Pourtant Joséphine a eu deux enfants de son premier mariage, Eugène et Hortense, en bonne santé. Est-ce son âge (33 ans en 1796, et donc 41 en 1804) ? Le traumatisme de la Révolution ? Ou cette chute aux eaux thermales de Plombières ? Ou peut-être l'incompatibilité ? Joséphine a eu la mauvaise idée d'incriminer Napoléon 1e comme stérile. Seulement, il devient père par le biais de sa maîtresse Éléonore Denuelle de La Plaigne en 1806 ! Pourtant, difficile d'envisager une séparation. Joseph Fouché, ministre de la police, écrivait que « l'Impératrice est adorée en France ; que sa popularité est utile à l'Empereur et à l'Empire ; que le bonheur de l'un et de l'autre est attaché à la durée de cette union ; que l'Impératrice est le talisman de l'Empereur ; que leur séparation sera le terme de sa fortune et d'autres faibles de cette espèce qui ressemblent aux contes des diseurs de bonne aventure. » Et puis bon, s'ils n'ont pas d'enfant, le couple impérial a adopté Napoléon-Charles Bonaparte, fils d'Hortense et de son époux Louis Bonaparte. S'il n'est pas du sang direct de Napoléon, il s'agit de son neveu et il est écrit dans la constitution que l'empereur peut adopter. Seulement, retournement de situation : le jeune enfant décède le 5 mai 1807, à l'âge de 4 ans.

Napoléon se pose donc la question de sa succession, mais difficile de se passer de Joséphine. Pourtant 1809 s'avère une année clé : il est blessé à la bataille de Ratisbonne en avril, échappé à un attentat en octobre et apprend que sa maîtresse Marie Walewska est enceinte de lui. C'est décidé, il doit divorcer. Le 30 novembre, au palais des Tuileries, l'impératrice arriva en grande toilette pour le petit souper, c'est à dire un dîner en petit comité. Très petit comité d'ailleurs, il n'y a que Napoléon ! Depuis quelques semaines, elle sent l'empereur distant, froid, et si elle a pensé un temps réussir à lui faire changer d'avis, elle comprend que c'est peine perdu. Il lui annonce qu'il doit se séparer d'elle, avant d'ajouter « c'est le plus grand sacrifice que j'aie pu faire à la France. » Si ce ne sont pas des mots d'amour. Mais il reste ferme sur sa position. Joséphine hurle et s'évanouit « Non, je n'y survivrai point. » et on l'emmena dans sa chambre où elle prit du repos.

 Napoleon's Farewell To Josephine, par Laslett John Pott (Collection Privée)
 Son fils Eugène joua les intermédiaires entre les futurs ex-époux, allant vers sa mère pour lui faire part des propositions de l'empereur : la rente accordée, les terres cédées, la retraite de Joséphine … Tout fut négocié et Joséphine s'en sortait pas mal avec une rente à deux millions de francs, garder la Malmaison, obtenir le domaine de Navarre en Normandie et elle gardait son statut !

Le 15 décembre 1809 fut la présentation de leur requête à l'archichancelier de l'Empire. Joséphine s'habilla en circonstance et se maquillait savamment pour cacher son âge, mais difficile de ne pas voir ses yeux rouges et sa mine triste, alors qu'elle apprenait son discours. Sur les coups de 21 heures en présence de Cambacérès, du secrétaire de la Maison impériale et toute la famille impériale, l'heure fatidique arriva. Napoléon prit la parole en premier, d'une voix claire. Joséphine, quant à elle, tremblait et balbutia quelques mots avant de fondre en larmes. On la ramena dans ses appartements pour la calmer, mais à son retour, toujours le même son de cloche. Voici son discours :

« Avec la permission de notre auguste et cher époux, je dois déclarer que ne conservant aucun espoir d'avoir des enfants qui puissent satisfaire les besoins de sa politique et l'intérêt de la France, je me plais à lui donner la plus grande preuve d'attachement et de dévouement qui ait jamais été donnée sur la terre. Je tiens tout de ses bontés ; c'est sa main qui m'a couronnée, et du haut de ce trône, je n'ai reçu que des témoignages d'affection et d'amour du peuple français.

Je crois reconnaître tous ces sentiments en consentant à la dissolution d'un mariage qui désormais est un obstacle au bien de la France, qui la prive du bonheur d'être un jour gouvernée par les descendants d'un grand homme si évidemment suscité par la Providence pour effacer les maux d'une terrible révolution et rétablir l'autel, le trône, et l'ordre social. Mais la dissolution de mon mariage ne changera rien aux sentiments de mon cœur : l'empereur aura toujours en moi sa meilleure amie. Je sais combien cet acte commandé par la politique et par de si grands intérêts a froissé son cœur ; mais l'un et l'autre nous sommes glorieux du sacrifice que nous faisons au bien de la patrie. »

Dans un comité privé, le senaltus-consulte fut rédigé et soumis dés le lendemain au Sénat. par 76 voix contre 7, et 4 abstentions. Le premier article annonçait : « Le mariage contracté entre l'empereur Napoléon et l'impératrice Joséphine est dissous. » Et après ? Joséphine se retira entre Malmaison et son domaine de Navarre, devenu une petite cour amicale pour tous ses amis. Quant à Napoléon 1e, après avoir demandé la main de la jeune sœur du Tsar Alexandre 1e, l'archiduchesse Anne, il se décida pour Marie-Louise d'Autriche, fille de l'empereur François 1e d'Autriche. Tous deux se marièrent le 2 avril 1810 et eurent un garçon le 20 mars 1811, Napoléon François Charles, titre Roi de Rome. Pourtant, malgré le divorce, Napoléon et Joséphine continuent de correspondre tendrement. Quand il revient de son exil à l'île d'Elbe, c'est à la Malmaison qu'il s'installe, même si Joséphine est décédée. Et je termine sur une phrase de Napoléon 1e après sa seconde abdication, venu à la Malmaison avant de partir pour un exil, définitif cette fois, à Sainte-Hélène « C'était bien la personne la plus remplie de grâce que j'ai jamais vue. Elle était femme dans toute la force du terme, mobile, vive et le cœur le meilleur. »


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