vendredi 7 octobre 2016

11 octobre 1850 : Décès de Louise d'Orléans, première reine des belges



La première reine des belges n'est plus. Éteinte à l'âge assez jeune de 38 ans, elle marque la fin d'une époque. Celle de la Belgique libre, d'un état avec ses frontières et ses lois propres, et ne plus dépendre d'un chef lointain. Je vous avais expliqué dans une série d'articles sur l'histoire de la Belgique. Et cette reine, Louise d'Orléans, reste indissociable de la naissance de cet état, et elle est tout de même l’aïeule de tous les souverains belges jusqu'à aujourd'hui ! Je ne sais pas vraiment si elle est vraiment connue en Belgique, mais elle est malheureusement très peu connue en France, alors qu'il s'agit tout de même d'une princesse française, et je vais vous parler un peu de sa vie, et aussi de sa mort il y a 166 ans …


Pas sur que si je vous dis Louise d'Orléans, reine des belges, cela vous dise quoi que ce soit, ou assez peu en règle générale (si c'est le cas contraire, soit tu es belge, soit tu connais ton Histoire, bravo ! ). Il n'y a pas de mal en soi, je suis là pour changer la donne, ou approfondir légèrement le sujet. Avant d'être reine en Belgique, d'où vient cette princesse ?

Seconde enfant, mais première fille d'une fratrie de de dix enfants (dont 8 ont atteint l'âge adulte, beau score) du couple de grande ascendance : Louis-Philippe d'Orléans (futur Louis-Philippe Ie), membre de la branche Orléans, et de Marie-Amélie de Bourbon-Sicile (une branche Bourbon des Bourbons d'Espagne) (oui ils sont cousins puisque les Orléans sont aussi une banche cadette des Bourbons, mais de France. Bref, je ferme mes parenthèses). Elle naît à Palerme le 3 avril 1812 au palais Orléans, oui en Sicile, sur les terres de sa famille maternelles ! Il faut dire qu'en France, c'est toujours l'Empire avec Napoléon Ie et que la famille de Bourbon-Sicile a dû quitter Naples pour laisser la place à Murat. L'exil des Orléans se termine avec la chute de l'Empire, et le rétablissement des Bourbons sur le trône de France. Le nouveau roi est Louis XVIII, le frère de Louis XVI, et il autorise son cousin Orléans à revenir à son tour en 1814. La famille accueille son quatrième enfant en octobre, le premier d'une longue série à naître sur le territoire français, entre le Palais Royal à Paris, le château de Neuilly ou le château d'Eu en Normandie.

La jeune Louise fut éduquée par sa mère et une sous-gouvernante, Mme de Malet « avec un grand fond d'instruction, avait peu d'esprit. Le cœur et le dévouement lui en tenaient lieu. » (Mme de Boigne, Mémoires). La jeune enfant, introvertie, se montrait docile et volontaire pour les tâches qu'on lui confiait, mais manquait de caractère, contrairement à ses deux autres sœurs. Elle se plongeait dans les études et la littérature, à en devenir la parfaite fille de bonne famille : la littérature, l'histoire, la géographie, les mathématiques, l'italien, l'anglais, la botanique ou encore la chimie. Elle lit du Byron et du Shakespeare en version originale, aime peindre et le dessin. Bien sûr, en tant que fille, il lui fallait une éducation religieuse solide (sa mère Marie-Amélie s'en chargea bien), ainsi que savoir manier le fil et l'aiguille pour des travaux de broderie. Si elle allait au théâtre en famille, ou se montrait aux réceptions familiales, la jeune Louise n'était bien que dans le cocon familial, à la fois rigide au niveau éducation mais plein de tendresse et de complicité, comme un ménage bourgeois.

Louise d'Orléans, reine des Belges, par Franz Xaver Winterhalter, 1832
Autant dire que les trois jours de révolution de 1830, et la montée sur le trône de son père, devenu Louis-Philippe Ie, roi des français, change la donne. Même si la vie bourgeoise intérieure est de mise, les enfants sont mis en avant et sont surtout, des pions sur l'échiquier politique. Nous l'avons vu à plusieurs reprises, rares sont les mariages choisis dans ce haut monde ! Si son frère aîné Ferdinand ne trouve pas princesse pour lui (difficile de trouver une princesse catholique dont la famille veut bien faire alliance avec un « usurpateur » de trône comme on le dit … d'ailleurs, il épousera une protestante), c'est Louise qui passe la première devant l'autel, avec un mariage qu'elle n'a pas choisi : Léopold Ie, premier roi des belges, jeune royaume encore bancal avec à sa tête un homme un peu froid, vivant dans le souvenir de sa première femme. Elle a 20 ans, lui 42, la jeune femme pleure sans cesse de cette union qu'elle pense malheureuse. Dans son journal, sa mère Amélie s'inquiète, et pense même tout arrêter si sa fille ne veut plus : « Il [Louis-Philippe] a demandé de lui dire clairement si elle avait quelque répugnance pour le roi Léopold ou pour le mariage. […] Louise a répondu qu'elle trouvait ce mariage raisonnable. » Alors les noces furent célébrées au château de Compiègne le 9 août 1832. Un mariage heureux ? Oui et non. Léopold se montre prévenant avec son épouse et ils ont une profonde affection l'un pour l'autre. En 1833, leur premier enfant, un fils, naît mais il ne passe pas sa première année, cette douleur soude le couple. Heureusement, trois enfants viendront combler le couple : Léopold, Philippe et Charlotte. Mais Léopold s'éprend d'une jeune femme, Arcadie Claret, à partir de 1842, l'installe et a même des enfants avec elle. Louise se réfugie dans l'éducation de ses enfants, les bonnes œuvres et ses lettres à sa famille.

Triple étude de Louise d'Orléans reine des Belges; par Marie d'Orléans (Gallica)
Mais au fil des deuils de sa famille (sa sœur Marie en 1839, son frère aîné Ferdinand en 1842), la révolution de 1848 qui renverse son père pour installer la République, Louise est épuisée et pense que sa fin est proche. Elle a déjà écrit son testament et sait que son sort se scellera bientôt. A l'été 1850, alors que la reine Victoria et le prince Albert venaient à Ostende, Léopold Ie les reçut seul. Louise était souffrante, pâle, atteinte de vomissements, avait du mal à respirer. Le 21 août, elle écrivait à sa mère en exil en Angleterre « Mon ennuyeuse santé ne m'impose que des privations ; ais je dois les prendre en patience. » Et pour l'achever un peu plus, elle apprit le décès de son père Louis-Philippe le 28 août. Dés les premiers jours de septembre, Léopold installa son épouse et ses enfants à Langestraat, dans la ville d'Ostende, mais lui ne resta pas bien longtemps et repartit pour Bruxelles dés qu'il en eut l'occasion, n'aimant pas les malades.

Personne ne semblait dupe au sort de la reine, malgré les remèdes et les encouragements des médecins. Elle qui adore se promener, ne fait plus que marcher de son lit à sa chaise longue. Et plus la reine dépérissait, plus le peuple belge insultait le roi et sa liaison avec Arcadie Claret, surtout le luxe qu'elle traînait. Léopold écrivit à sa belle de se faire plus discrète, moins bling-bling, et Arcadie partit quelques temps en Allemagne. Si cela calmait l'ardeur populaire, rien ne soignait Louise. Il faisait humide à Ostende, la demeure mal chauffée faisait grelotter la reine enroulée dans ses châles, traînant une énorme fièvre. L'état empirait et tout le monde vint au chevet de la reine malade : son époux et sa famille : sa mère, ses frères, sa sœur, ses belles-sœurs . Tous la veillèrent à tour de rôle, lui tenaient compagnie. Mais ce 10 octobre, le souffle de Louise se fit plus irrégulier, elle reçut l'extrême-onction et agonisa de longues heures avant de rendre l'âme aux premières lueurs du 11 octobre 1850.

Sépulture de Louise d'Orléans et Léopold Ie dans la nécropole royale de Laeken (Bruxelles)
On coupa quelques mèches de cheveux pour les placer dans des médaillons, comme des reliques, on la vêtit d'une belle robe blanche et tous les drapeaux furent mis en berne. L'émotion fut grande dans tout le pays, on pleurait sa première reine, une femme admirable, discrète et aimable. Elle voulut être inhumée dans l'église Notre-Dame à Laeken, là où elle a vécu de magnifiques moments dans le château. Estimant que l'église n'était pas digne d'une reine, Léopold Ie fit construite la nécropole royale à Laeken à partir de 1854.

Triste vie pour une jeune femme discrète, qui n'avait jamais eu l'ambition d'être reine, juste d'être heureuse, mais dont l'Histoire et les deuils n'ont pas épargné …


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire