samedi 14 mai 2016

14 mai 1610 : Assassinat d'Henri IV



Quand on pense à Henri IV, c'est souvent en bien : le bon roi Henri, la poule au pot, le Vert Galant … Cette jolie image d'un homme simple et bon vivant. Alors oui, le premier Bourbon se montrait simple et jovial, mais pourtant haï de son vivant. Assassiné en pleine rue, le peuple de Paris (et le reste) ne pleure pas sa mort, loin de là ! Aujourd'hui, on parle de sa mort en ces temps de trouble.


A posteriori, quand on lit la dernière journée du roi, on se dit qu'il y a des signes qui ne trompent pas. Dans la nuit du 13 au 14 mai 1610, le roi dort mal, d'un sommeil agité. Il se sent menacé, de mauvais pressentiments le tourmentent. Au matin, il ne cesse de s'agiter, de tourner en rond. Lui si jovial et souriant a une mine sombre. D'ailleurs, il réplique au maréchal François de Bassompière « Vous ne me connaissez pas maintenant, vous autres ; mais je mourrai un des ces jours, et quand vous m’aurez perdu, vous connaîtrez alors ce que je valais et la différence qu’il y a de moi aux autres hommes ». Ambiance. Ni la messe du matin, ni les audiences ou la visite chez sa seconde épouse, Marie de Médicis, et ses enfants, n'arrivent à le sortir de cette impression de danger. Il faut dire que dans cinq jours, soit le 19 mai, il partira pour le front pour mener une nouvelle guerre contre l'Espagne. Il a dû organiser le rassemblement des troupes mais aussi organiser la régence en son absence, en la personne Marie de Médicis, ainsi que d'un Conseil, et couronner sa femme pour asseoir son pouvoir. Beaucoup de choses à penser en si peu de temps.

Portrait Henri IV  par Frans Pourbus le jeune
Alors pourquoi sortir ? Pour la guerre, tout simplement. Il doit rejoindre son ministre Maximilien de Béthune, duc de Sully, surintendant des finances et Grand maître de l'artillerie de France, à l'Arsenal (dans l'actuel 4e arrondissement de Paris). Henri IV refuse d'avoir une garde avec lui et monte dans son carrosse côté gauche. A sa droite s'installe le duc d'Epernon ; en face le premier écuyer Liancourt et son conseiller Mirebeau ; Lavardin, Roquelaure, Montbazon et La Force s’installent aux portières, dos à la rue. Une sortie entre potes en somme. Et comme escorte, le roi s'entoure de quelques gentilshommes à cheval et des valets de pied. Tout ce petit monde quitte le palais du Louvre pour rejoindre l'Arsenal, à environ 2-3 kilomètres de là.

Le carrosse s'engage rue de la Ferronerie et s'arrêtent car deux charrettes bloquent la rue étroite. Tout le petit cortège coupe par le cimetière des Innocents non loin de là, seuls deux valets de pied restent près du roi : l'un aide à ranger les charrettes pour les faire s'en aller pendant que l'autre, le flemmard, renoue sa jarretière. Un spectacle un peu pittoresque, juste avant le drame. Car dans la rue, un homme a suivi le carrosse depuis quelques temps et se dit que le moment est trop parfait pour agir. François Ravaillac s'élance, grimpe sur la roue du véhicule et donne un premier coup de couteau sous l'aisselle d'Henri, puis perfore le poumon et l'aorte dans un second coup. Dans le carrosse, personne n'a rien vu et Montbazon demande au roi ce qu'il a. Si Henri répond « Ce n'est rien », le sang sortant de ses plaies annonce un certain souci.

Henri IV mort transporté au Louvre après son assassinat,
dessin par Joseph-Nicolas Robert-Fleury 
Ravaillac aurait eu mille fois le temps de s'enfuir, se fondre dans la foule et disparaître. Mais non, l'imbécile reste là, fasciné et brandit le poignard ensanglanté, comme en transe. Alors que Montbazon empêche la foule de lyncher le criminel, comme le fut Jacques Clément après l'assassinat d'Henri III, La Force entoure le roi de son manteau, fait baisser les mantelets des portières et tout le monde repart au palais du Louvre pour porter secours au roi fortement touché. Le pourpoint ouvert, la chemise tâchée de sang, le roi a sans doute expiré durant le chemin mais on le transporte dans sa chambre. La reine hurle « Le roi est mort ! » et le chancelier Sillery fait avancer le dauphin Louis, désormais Louis XIII devant celle qui est maintenant régente du royaume « les rois ne meurent pas en France. Voici le roi vivant, madame. » Le roi est mort, vive le roi …

Et Ravaillac alors ? Emmené à l'hôtel de Retz tout proche. Catholique fanatique, il dit avoir voulu se débarrasser d'un faux converti et clame avoir agi seul, durant les quatre interrogatoires subis. Pourtant ce ne sont pas les ennemis qui manquent : les Jésuites, Philippe III d'Espagne à qui il voulait faire la guerre, sa maîtresse Henriette d'Entragues en guise de vengeance … Je vous conseille de lire L'assassinat d'Henri IV de Jean-Christian Petitfils, excellente enquête pour comprendre cette sombre affaire.

Toujours est-il que le 27 mai 1610, François Ravaillac est reconnu seul coupable de régicide, crime de lèse-majesté. Le même jour, il est exécuté dans d'affreuses circonstances en place de Grèves. Le voici tenaillé, brûlé au plomb fondu et écartelé par quatre chevaux. La foule se déchaîne contre lui (alors qu'ils n'aimaient pas leur roi quelques jours avant) à l'insulter, et quand un cheval fatigue de tirer, des personnes prennent le relais, jusqu'à ce qu'une cuisse ne cède, et l'homme meurt après deux heures de supplice. Puis pour couronner le tout, la foule se jette sur le cadavre et le meurtrier est mis en pièce ! Le bourreau, sensé recueillir les membres du supplicié pour les brûler, ne retrouve rien …

Le supplice de Ravaillac (Gallica)

Quant à Henri IV, après un long rituel d'embaumement et son cœur transporté à Montbazon, le corps du défunt roi n'arrive à la basilique Saint-Denis le 1e juillet 1610. Lui, le roi roux de Navarre, huguenot, avait épousé une Valois, échappé à la Saint Barthélémy, devint roi de France après la fin des Valois, dut se battre pour conquérir son trône, au point de changer de religion pour essayer de contenter tout le monde, ce battant meurt tout bonnement assassiné. Étrangement, cette mort tragique fut le point de départ de la légende du roi Henri, oubliés les soucis et les mauvais jours, on écrit un mythe sur ce roi qui deviendra l'un des plus populaires de l'Histoire de France.


Oh, et avant de vous quitter, dernier petit fait intéressant : 33 ans plus tard, en 1643, son fils Louis XIII expirera lui aussi un 14 mai au Louvre. Comme quoi …  

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