mercredi 9 mars 2016

9 mars 1796 : Mariage de Napoléon Bonaparte et Joséphine de Beauharnais



Encore un mariage ? Y a t'il un message caché ? Non, seulement aucune mort que je lis en ce moment ne trouve grâce à mes yeux. Et puis il y a tant de couples célèbres, autant les mettre à l'honneur. Aujourd'hui, un mariage sur fond de Révolution entre une femme frivole et un militaire à la carrière prometteuse, avec une relation houleuse, en décalé parfois, mais avec une grande tendresse. Retournons en 1796, au mariage de Napoléon Bonaparte et Joséphine de Beauharnais...


Des mariages, il y en a eu à toute époque : des heureux, malheureux, cachés, arrangés … Cela touchait toutes les classes sociales et le but premier quand on est une fille, du moins, on vous laissait rarement le choix. Sinon il y avait le couvent, un autre style. A la fin du XVIIIe siècle, après la chute de Robespierre et son régime de la Terreur, vint la période du Directoire, connue aujourd'hui pour ses nombreuses frasques et la corruption ambiante, ainsi qu'une envie de vivre sans contrainte. La preuve, avec le divorce autorisé, on peut se marier un jour et divorcer le lendemain ! Pratique, non ? Enfin, le couple d'aujourd'hui a tenu treize ans de vie conjugale, parfois houleuse, mais rien n'aurait imaginé les deux passer devant le maire un jour !

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Joséphine de Beauharnais, par Andrea Appiani

Faisons les présentations. Madame se nomme en vérité Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie et est issu des riches colons nobles de la Martinique, faisant fortune dans la canne à sucre. Rien ne la destinait à se rendre un jour sur le continent, loin de sa vie tranquille. Alors qu'elle a 14 ans, sa sœur Catherine-Désirée est fiancée à Alexandre de Beauharnais, jeune vicomte prometteur. Seulement celle-ci décède la même année, et comme à l'époque, on n'est pas toujours très regardant là-dessus, on place la jeune Marie Josèphe à sa place, et on l'envoie en France se marier. Mais à cet âge là, la demoiselle reste un peu gauche et ne plaît pas plus que ça au Beauharnais. Pourtant, ils se marient le 13 décembre 1779. De cette union en dent de scie sont nés Eugène, futur vice-roi d'Italie, et Hortense, future reine de Hollande. Le couple se sépare rapidement.

Ils se retrouvent dans la prison des Carmes, durant la Terreur. Lui est accusé de conspiration et elle de fricoter avec les royalistes. La sanction est la même pour les deux : la mort par guillotine. Étrangement, le couple se rapproche, sentant la mort approcher. Alexandre de Beauharnais est guillotiné le 23 juillet 1794, et la jeune femme y échappe de peu, grâce à la chute de Robespierre trois jours plus tard.

Avec la fin de la Terreur, un nouveau régime se met en place : le Directoire. Marie Josèphe, qui se fait appeler Rose, devient une des reines de Paris, avec notamment Madame Tallien. Désargentée après la confiscation de ses biens et aimant le luxe, Rose aime se faire entretenir par de nombreux amants. Le plus prestigieux d'entre eux reste Paul Barras, président de la Convention, l'homme le plus important du moment. Mais déjà marié et lassé de la dame, cherche à la faire tomber dans d'autres bras. C'est là que Napoléon intervient.

Napoléon Bonaparte en roi d'Italie, par Andrea Appiani

Lui ? Quatrième enfant d'une grande famille noble de Corse, il est destiné à la carrière militaire. Ses frères et sœurs ont toujours appuyé leur frère, sans doute le meilleur d'entre eux, pour leur forger un destin. Le premier fils mort avant sa naissance et son frère Joseph destiné à une carrière ecclésiastique, c'est Napoléon Bonaparte qu'on envoie à l'école royale militaire de Brienne-le-Château. Il y fit d'excellentes études, montre sa faculté de commander, avant d'entrer dans la prestigieuse école militaire de Paris.

La Révolution Française lui est bénéfique pour montrer l'étendu de ses capacités. Jeune lieutenant de 19 ans en 1789, il devient capitaine en 1792. Mis en congé sans solde, il est donc à Paris en 1795, quand Barras lui propose de mater une insurrection royaliste en 1795, où il fit la rencontre de Joachim Murat. Grâce à cela, il est promu général de division, puis nommé commandant de l’armée de l'Intérieur. Belle ascension pour ce jeune homme de 26 ans qui a tout l'avenir devant lui.

Comment un tel mariage a t'il pu aboutir ? On dit merci à Paul Barras. En effet, lassé de sa maîtresse, Barras cherche à la refiler à quelqu'un l'air de rien. Lors d'un dîner donné aux Tuileries en 1795, il les fait se rencontrer. Au premier abord, il la fait rire par son habit mal taillé et trop grand, ses cheveux longs. Elle tente de le recruter pour le clan Barras en le charmant. Lui la trouve belle, bien que plus vieille que lui de six ans, et riche, ce qui serait avantageux pour ce militaire sans solde, mais apprendra bien vite la vérité. Ils se rencontrent régulièrement, Rose l'invite dans sa demeure rue Chantereine, et lorsqu'il ne la visite pas assez souvent, elle le relance, comme le 28 septembre 1795 « Vous ne venez plus voir une amie qui vous aime ; vous l'avez tout à fait délaissée, vous avez bien tort, car elle vous est tendrement attachée. » Napoléon lui répond que personne d'autre que lui ne désire plus son amitié et sa compagnie.

Puis ils s'affichent en public, chez les Tallien, chez Barras. Amis, puis amants, Bonaparte tombe rapidement amoureux, d'une passion dévorante que l'on peut retrouver dans ses courriers enflammés. « Je me réveille plein de toi. Ton portrait et l'enivrante soirée d'hier n'ont point laissé de repos à mes sens. » Enfin, les bans sont publiés le 19 février 1796. Chose amusante, le lendemain, Rose obtient une dispense de produire son acte de naissance. Quelle coquetterie !



Le 9 mars 1796, à dix heures du soir, à la mairie du IIe arrondissement de Paris, dans l'hôtel de Mondragon. L'officier d'état civil est absent, et c'est le commissaire du Directoire, Collin-Lacombe, qui procède illégalement au mariage civil à moitié endormi. Sont présents seulement les amis proches et les témoins : Barras, Tallien, l'aide de camp Jean le Marois et l'homme d'affaires Calmelet. Le plus amusant dans l'acte de mariage sont leurs âges : elle se rajeunit de quatre années pour se donner 28 ans, il s'en rajoute un pour avoir le même âge ! Le mariage est plié en une demi heure, tout le monde rentre chez lui, et le nouveau couple rentre chez eux, où pour fêter la nuit de noces, le nouveau marié se fit mordre le mollet par le carlin de son épouse. D'ailleurs Rose est débaptisée de son prénom pour prendre celui de Joséphine, plus seyant pour Napoléon.

Deux jours seulement après leur union, Napoléon Bonaparte part mener la campagne d'Italie, laissant Joséphine seule, mais il lui écrit de nombreuses lettres enflammées « Toi seule, tu es le plaisir et le tourment de ma vie. » C'est aussi là que les ennuis vont commencer. La famille Bonaparte n'a pas été prévenu de cette union, ils font un scandale et Joséphine devient leur bête noire : trop vieille, frivole, dépensière, tout y passe. Quant à la mariée, elle continue sa vie comme si de rien n'était, à faire des petites affaires clandestines pour gagner un peu d'argent, à s'enticher d'un jeune homme, refuser de rejoindre son mari en Italie … Les premiers temps du couple Bonaparte sont pleins de remous et tumultes, mais ceci est une autre histoire !



1 commentaire:

  1. Je connaissais déjà leur mariage grâce à une exposition du Musée du Luxembourg mais ton article me fait doucement revivre ce souvenir :-)

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