mardi 13 octobre 2015

13 octobre 1815 : Execution de Joachim Murat



Il y a longtemps qu'on n'avait pas parlé de mort sur ce blog, je suis sûre que cela vous manquait ! Vos prières sont exaucées, on va parler d'une mort digne, d'un grand militaire de l'histoire révolutionnaire et du premier empire : Joachim Murat, maréchal d'Empire et roi de Naples. Une histoire romanesque de ce fils d'aubergiste à l'ascension fulgurante, où sa mort n'est qu'une fin logique à son destin. Oui je suis un peu pompeuse mais je l'aime bien Murat et j'avais envie de parler de sa mort qui a eu lieu il y a exactement 200 ans …


Nous sommes à Pizzo, au niveau de la pointe italienne, dans le royaume de Naples. C'est ici que Joachim Murat, roi de Naples, mis à cette place par son beau-frère Napoléon 1e – dont il a épousé la sœur, Caroline Bonaparte – revient après avoir fui l'Italie, à cause de sa défaite face à l'Autriche. Petit récapitulatif assez bref (ou pas) :

Après une grande carrière militaire où il prouve ses grandes qualités lors de la campagne d'Italie et d’Égypte, il devient un proche de Napoléon Bonaparte, épouse sa sœur Caroline avec qui il aura quatre enfants. A l’événement de l'Empire, Murat est à la fois prince et maréchal, il jouit des grandes largesses de son beau-frère l'empereur et tout lui sourit. Lui qui ne partait de rien, le voici arrivé au sommet, ou presque.

Napoléon distribue à sa famille les territoires conquis : la Hollande à Louis, l'Espagne à Joseph, la Westphalie à Jérôme, il marie sa sœur Elisa au grand duc de Toscane et Pauline au prince Borghèse. Joseph eut d'abord le royaume de Naples, tandis que Caroline et Joachim Murent eurent le grand-duché de Berg, en attendant d'avoir l'Espagne. Finalement Joseph préfère l'Espagne – encore un enfant pourri gâté qui change d'avis comme de chemise – et Napoléon donne le choix à Murat entre le royaume de Naples et celui du Portugal : ce sera donc Naples. Ah oui, j'ai oublié un Bonaparte : Lucien. Après son coup d'éclat au 18 brumaire lors du coup d'Etat de son frère, il n'a pas servi à grand chose, s'est marié sans le consentement de sa famille et est donc puni, il sert d'ambassadeur entre la fratrie, et n'aura qu'une principauté que grâce au Pape Pie VII.

Bref, Murat devient donc roi de Naples le 1e août 1808, peu enthousiaste car il doit quitter Paris pour partir au fin fond de l'Italie. Fort heureusement, l'accueil est triomphale de la part de la population ! Il faut dire qu'en 1801, lorsqu'il se battait au sud de l'Italie, il ordonna à ses troupes de ne pas faire de mal aux napolitains, ni de les piller, un acte charitable dont le peuple se souvient. Et ce ne fut pas n'importe quel accueil avec des échafaudages aux citations latines gravées, de trophées, tout le beau monde de Naples avec ses magistrats attendaient le nouveau couple royal pour remettre les clés de la ville. On pouvait y voir une statue équestre de Napoléon, un arc de triomphe où Joachim et Caroline étaient représentés comme des divinités romaines, sans oublier un Te Deum pour la solennité, sous les applaudissements du peuple. Ils aiment leur nouveau roi et c'est réciproque, il s'impliquera dans son nouveau royaume.

Portrait par François Gérard

Un bon roi ? Oui, même si Napoléon 1e aime mettre son grain de sel, ici c'est Joachim 1e qui décide, du moins dans le peu de marge de manœuvre qu'il possède : il choisit son gouvernement et entreprit d'abolir la féodalité, mais aussi de faire de grands travaux pour améliorer les conditions de vie, l'assainissement de certaines régions, développer l'instruction publique … Il remet en place une armée digne de ce nom, calme l'hostilité des religieux et est même mécène. Depuis des siècles, Naples est une ville idéale pour ses artistes – rappelez vous l'exposition que j'ai visité à Montpellier – et on voit non seulement des italiens, mais aussi des belges ou des français à la nouvelle cour de Naples. Voilà un roi appliqué et il le dit lui-même dans une lettre à l'empereur : « Je suis heureux dans mes États ; j'habite le plus beau ciel de la belle Italie, tout m'y assure le bonheur. »

Alors pourquoi ce peuple qu'il a tant aidé, ont décidé de le mettre à mort ? Le 6 avril 1814, Napoléon 1e abdique et le Congrès de Vienne se réunit pour définir les nouvelles frontières, en annulant les prises de guerre de l'empereur déchu. Murat, pour le bien de son royaume et ne pas revoir ses ennemis les Bourbons sur son trône, s'est allié avec l'Autriche. Il a un projet : unifier l'Italie et en devenir le roi. Trahison ? Non car durant les fameux Cent Jours où Napoléon s'est enfui de l'île d'Elbe pour reconquérir son trône, Joachim se montre comme un des plus fidèles. Il remonte l'Italie avec 40.000 hommes, espère que le pays se soulève contre la domination autrichienne.
« Italiens,

L'heure est arrivée où de grandes destinées doivent s'accomplir. La providence vous appelle enfin à la liberté : un cri se fait entendre depuis les Alpes jusqu'au détroit de Scylla et ce cri est : l'indépendance de l'Italie. »

Tout le mois de mars 1815, il remonte de ville en ville, toujours acclamé … jusqu'à Ferrare, et le désastre commence : une contre-offensive autrichienne donne lieu à la bataille de Tolentino le 2 mai et c'est la déroute totale. De plus l'Autriche remet sur le trône les Bourbons, et le roi Ferdinand 1e revient sur ses terres. Alors que Napoléon est déchu une seconde fois et est exilé sur l'île de Sainte Hélène, Murat ne pense qu'à reprendre Naples, passant par la Corse.

« Nous reverrons Naples et nous vaincrons nos ennemis. »

Pourtant Fouché, ministre de la police, lui envoie de l'argent et un passeport sous le nom de comte de Lipona (anagramme de Napoli) pour vivre en Autriche avec son épouse Caroline, prisonnière de l'Autriche avec ses enfants au château de Haimbourg, non loin de Vienne.

Portrait par François Gérard

Le 8 octobre 1815, Joachim Murat débarque à Pizzo avec ses quelques partisans pour tenter de reconquérir son trône, mais rapidement, cela tourne mal. En voulant reprendre la mer, une foule d'excités sautèrent sur eux, manquant de les tuer, leur lançant des insultes et on les enferma au château de Pizzo. Pour juger le roi déchu, une commission de sept hommes fut constituée. Et sans entendre l'accusé, la sanction fut prononcée : la mort. Il eut une demi-heure pour recevoir les secours de la religion et écrivit une dernière lettre pour sa femme. Ce 13 octobre 1815, à 18h, Murat refuse d'avoir les yeux bandés, dénude son torse et crie « Tirez, n'ayez pas peur, faites la volonté de Dieu. » Ainsi mourut Joachim Murat, à l'âge de 48 ans. Sa dépouille fut ensevelie dans la troisième fosse commune dans le souterrain de l’église Saint-Georges-Martyr de Pizzo. Si ses restes n'ont jamais été retrouvés, on peut trouver un caveau de la famille Murat au cimetière du Père Lachaise, à Paris, où son profil est gravé dessus.


Ce personnage a un côté fascinant dans sa trajectoire de vie, il a tout de même tenu tête à Napoléon et pourtant l'a soutenu à son retour, lui qui ne vivait que de fêtes, d'élégance ou de guerre, incapable de s'attacher au grand-duché de Berg, il a aimé Naples plus que sa vie, puisqu'il est mort pour elle …  

2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ton entrée en matière. C'est toujours un plaisir de lire ta plume !

    Je ne connaissais pas Joachim Murat, contrairement à ce que je pensais. Après lecture de ton bel article, j'y vois plus clair !

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    1. Tes compliments me font plaisir :)
      Murat est vraiment une figure romanesque et malgré quelques couacs dans son histoire, je le trouve vraiment attachant, surtout de se battre jusqu'à la fin pour son royaume.

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