lundi 27 juillet 2015

27 juillet 1214 : la bataille de Bouvines



Cette journée marque une énième bataille contre des ennemis de toujours : anglais contre français, mais aussi rois contre seigneurs. Au début du XIIIe siècle, le roi de France ne possédait pas la puissance de ses descendants, parfois certains seigneurs avaient une armée plus conséquente et davantage de richesses que son souverain. Autant dire que le roi avait intérêt à ne pas faire son absolutiste avant l'heure (ceux qui ont joué à Crusader Kings II savent de quoi je parle). Et puis il royaume de France ne ressemble en rien à celui que nous connaissons. En effet, la Normandie, l'Aquitaine appartenaient à l'Angleterre, et ce n'étaient pas des petits duchés. Un gros bordel qui dure depuis 1159 pour résumer. Depuis tout ce temps, le royaume de France lutte pour reconquérir lentement ses terres accroître son pouvoir, et la bataille de Bouvines fait partie de ces batailles qui entrent dans l'histoire.


Pour résumer le contexte : Henri Plantâgenêt (1133-1189) épouse Aliénor d'Aquitaine (dont le mariage avec Louis VII de France a été annulé) en 1152. Lui est duc de Normandie et veut conquérir l'Angleterre, elle est duchesse d'Aquitaine. Un couple bien badass. Ils deviennent souverains d'Angleterre deux en plus tard, en 1154. Devenu Henri II d'Angleterre, il est un conquérant et entend bien étendre l'empire Plantagenêt. Plus tard son fils, Richard Cœur de Lion (1137-1199) poursuit cette politique contre le jeune roi de France Philippe-Auguste (1165-1223). Non je ne parlerais des théories sur leur prétendue histoire d'amour vu qu'ils se connaissaient depuis l'enfance, qu'on sait qu'ils ont dormi dans le même lit … un jour peut être, mais pas là. Bref, une trêve se met en place lors de la Troisième Croisade où les deux souverains partent ensemble reconquérir (encore) la Terre Sainte. Philippe-Auguste rentre avant l'anglais (qui est en fait français vu qu'il est normand et de mère aquitaine, hein ! ) et s'allie avec le frère cadet, Jean Sans Terre (1166-1216), pour lui octroyer la couronne anglaise contre quelques terres rendues au royaume. Richard, furieux en rentrant reprend ses terres, et meurt à Chalûs en 1199. De là, Jean Sans Terre devient roi, mais Philippe-Auguste s'allie avec un autre prétendant du trône, Arthur de Bretagne. Et c'est reparti pour les batailles, notamment des victoires en Normandie pour le roi de France, qui fait capituler Rouen en 1204. Mais toutes ces victoires font peur à ses ennemis et vous connaissez le proverbe « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Voici comme le roi Jean s'allie à l'empereur Otton IV, au duc de Brabant, de Lorraine, de Limbourg au comte de Flandre, de Boulogne, de Hollande, que de grandes puissances contre Philippe-Auguste qui, heureusement, n'était pas seuls : ses alliés sont le duc de Bourgogne, le comte de Dreux, le comte de Ponthieu et sur le lieu de bataille, les forces des communes environnantes. Fin du résumé ! 

Pendant que son fils Louis part vers la Loire pour protéger d'une invasion anglaise, qui sera la victoire de la Roche-aux-moins le 2 juillet, le souverain s'en va vers la Flandre (précisément ce qui le département du Nord aujourd'hui). A partir de là, tout n'est qu'une stratégie militaire. Le combat contre l'empereur autour de Mortagne, mais Philippe-Auguste s'en va vers Lille. Sa stratégie est de prendre l'armée ennemie par surprise, mais Otton IV apprend la manigance et il faut donc changer le plan initial. Le samedi 26 juillet se tient un conseil de guerre pour choisir la meilleure stratégie. Un chevalier lillois du nom de Girard la Truie propose au roi de simuler un repli dans la panique, pour attirer l'adversaire sur le plateau de Cysoing, à côté de Bouvines, lieu propice à un combat de chevalerie. Hop, le lendemain, l'armée quitte Tournai à petite allure. Bien qu'on soit un dimanche, Otton IV décide tout de même d'attaquer. Il s'en fout, il est excommunié par le Pape depuis qu'il a conquis des territoires pontificaux, le con. Alors il se met à la poursuite des français.

Quelle surprise de se retrouver nez à nez avec les français, eux qu'on croyait en fuite. Tout était savamment calculé : Otton et cie se retrouvaient le soleil dans les yeux, piégés entre une forêt et des marécages, ce serait donc un vrai corps à corps, sans possibilité de passer par les côtés. Sur la droite , des royalistes face à Ferrand, le comte de Flandre, tous deux sans fantassins, ce sera le coin de la chevalerie tandis que les autres sont à repousser vers les marais. Pendant ce temps là, les milices communales viennent grossir les rangs de l'armée royale en minorité, pour rééquilibrer les forces. Après un long silence sans charger, le côté impérial refusant de combattre contre des roturiers, même bourgeois, Otton donna finalement l'assaut. Pour ce dernier, l'objectif est clair : avec ses fantassins en grand nombre, il veut tuer le capétien, disperser l'armée et s'octroyer la victoire. Chacun hurle, par exemple Eustache de Maline crie « Mort aux français ! » et se fait tuer. Le choc, brutal, annonce un combat acharné des deux côtés, c'est la bataille à ne pas perdre. Mais les français prennent l'avantage grâce à Guillaume de Châtillon, qui a l'idée brillante de profiter d'une brèche pour créer une percée et prendre les flamands à revers. Cela marche si bien que plusieurs autres seigneurs font de même. Le comte de Flandre (qui est accessoirement un portugais, normal) est capturé. Le flanc droit est maîtrisé, mais à gauche, c'est une toute autre histoire qui se joue : Guillaume de Salisbury, demi-frère du roi d'Angleterre surnommé « Longue Épée » avance dans les rangs français et se dirige droit sur le roi, déjà mis à mal par l'empereur. Mais c'est là que la famille sert à quelque chose : Robert de Dreux, prince de France et évêque de Beauvais, désobéi au roi qui lui avait demandé de garder le pont et se jette sur les anglais, pour reprendre l'avantage.

Nous sommes au milieu de l'après midi et Philippe-Auguste se retrouve encerclé par des mercenaires munis de piques, il tombe cheval. Si un chevalier nommé Pierre Tristan ne se met pas en travers de ces hommes pour protéger le roi, tout aurait été possible. On vient au secours du roi et Philippe-Auguste, remis en selle, fonce vers l'empereur. C'est un moment décisif de la bataille où le clair avantage français se fait sentir. Robert de Dreux maîtrise Salisbury et les ennemis sentent la victoire leur échapper de plus en plus. Quand Girard la Truie fait tomber de cheval Otton, celui-ci monte sur une autre monture et s'enfuit lâchement, seul, laissant ses armées décamper comme elles le peuvent. Il ne reste que le comte de Boulogne qui tente une dernière attaque, du suicide pur en fonçant vers le roi. Son cheval est blessé et il est prisonnier sous sa monture, le faisant à son tour capituler. C'est ainsi qu'en fin d'après midi, la bataille de Bouvines fut terminée, une victoire éclatante des français !


Cela aurait pu être une bataille parmi d'autres mais les conséquences furent si énormes que Jean Sans Terre, privé d'une bonne partie de ses terres dans le royaume de France, cesse les combats ; Otton IV est destitué de son statut d'empereur ; le comte de Flandre est prisonnier pendant quinze ans au Louvre ; certains seigneurs français sont dépouillés de leurs terres qui entrent dans le domaine royal. Le grand gagnant reste sans conteste Philippe-Auguste, dont le pouvoir s'est multiplié, ayant aussi réussi à agrandir le domaine royal et asseoir sa puissance. Globalement, après cette bataille, le royaume est enfin en paix, si on retire les albigeois. Rares sont les batailles avec des conséquences aussi grandes et aussi prolifiques à la France !


2 commentaires:

  1. Une bataille très connue mais dont je ne connaissais pas les détails avant de lire ton article. Par contre, malgré ta jolie plume, je ne réussirai sans doute pas à raconter cette bataille...

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    1. Je t'avoue que je ne saurais pas tout ressasser à l'oral car c'est assez complexe ! Et merci pour le compliment <3

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