lundi 6 novembre 2017

6 novembre 1836 : Décès de Charles X en exil


Charles X, dernier roi de France, dernier Bourbon sur le trône de France, est bien mal connu, et peu de monde sait ce qu'il lui est arrivé après la révolution de 1830. Pourtant, il lui en est arrivé des choses. Rares sont les souverains morts loin de leur pays, et encore moins des souverains déchus en ce 19e siècle si riche en événements. Aujourd'hui, on suit les derniers jours du dernier roi de France, et de ce qu'il est devenu ensuite …


Charles d'Artois est le troisième fils survivant (sur cinq) du Dauphin Louis de France. Il n'est pas né chez les pouilleux car son grand-père n'est autre que Louis XV, et descend de la lignée des Bourbons. A sa naissance en 1757, il est titré comte d'Artois et n'est pas destiné à régner. Il est éduqué comme un prince où on lui apprend l'histoire, la géographie, le latin et l'allemand. Il épouse Marie-Thérèse de Savoie (ils sont bien sûr cousins germains) et il a deux fils avec elle, Louis-Antoine duc d'Angoulême, et Charles-Ferdinand duc de Berry. A la Cour, il prend le parti réactionnaire à son frère Louis XVI, celui des ultra-royalistes (ou ultras), et cherche à faire renvoyer le ministre Necker. A la Révolution Française, Charles d'Artois est sans doute le premier émigré, il part le 16 juillet 1789 ! Il va chez son beau-père à Turin avant de se rendre en Grande Bretagne en 1795, et réside à Londres jusqu'en 1814, à la chute de Napoléon 1e. Son frère devient Louis XVIII et c'est le début de la Restauration. Là encore, il devient le chef des Ultras, et est pour un retour à l'Ancien Régime sans passer par la case Révolution, alors que Louis XVIII adopte une monarchie constitutionnelle. Son frère décède en 1824 sans descendance, il devient roi, sous le nom de Charles X. Contrairement à son prédécesseur, le nouveau souverain a de grosses rancunes envers la Révolution Française et décide simplement de passer outre, faire comme si elle n'existait pas. Une monarchie constitutionnelle ? Mais non, revenons à l'absolutisme avec sacre à Reims, drapeau blanc et un gouvernement d'ultras.

Charles, comte d'Artois, par Michel Van Loo (Château de Versailles)
Oui, Charles X n'était pas un fin politicien ni tacticien pour deux sous, et cela conduisit aux fameuses Trois Glorieuses les 27, 28 et 29 juillet 1830 où le souverain est déchu de son trône. Sous la contrainte, Charles X abdique le 2 août 1830 en faveur de son petit-fils, Henri d'Artois (ce qui ne se fera pas). Dans la logique, c'est à son fils, Louis-Antoine, duc d'Angoulême, que revient la couronne sous le nom de Louis XIX mais ce dernier contresigne l'abdication à son tour. Pendant que son cousin devient Louis-Philippe 1e, roi des Français (notez la nuance, il n'est pas roi de France), la famille royale déchue quitte le château de Rambouillet pour Cherbourg où ils embarquent pour la Grande-Bretagne, où Charles a déjà connu l'exil durant la Révolution Française. Ce petit monde s'installe à Holyrood en Écosse pendant deux années, avant d'arriver en Autriche le 19 septembre 1832, sous la protection de l'empereur François 1e d'Autriche. On ne peut les laisser à Vienne, on leur cherche un logement avant de s'arrêter sur le château des rois de Bohème à Prague. Malgré les hivers rudes et grosses chaleurs estivales, Charles X se montre en bonne santé malgré ses soixante dix-sept ans en 1834, on note surtout chez lui une fatigue et une mélancolie lancinante.

En 1836, il est l'heure d'une nouvelle errance. Sur le voyage, le duc et la duchesse d'Angoulême tombe malade – une épidémie de choléra – puis le jeune Henri d'Artois (titré duc de Bordeaux), mais tout le monde en réchappe. Le 8 octobre 1836, la famille en exil s'arrête à Linz pour fêter les 79 ans de Charles X, qui a pris le titre honorifique de Comte de Ponthieu. Fatigué, Charles se confie à un de ses proches « Ma vie a été plus longues que celle de mes ancêtres ; mais de cruels malheurs et trente années d'exil l'ont rendue bien amère. Peu de temps s'écoulera d'ici au jour où vous suivrez les funérailles du pauvre vieillard. »

Enfin, ils arrivent à Göritz, entre Venise et Trieste (aujourd'hui Nova Gonica en Slovénie), dans le magnifique palais Coronni-Cronberg, laissé par le comte Coronni. Il s'agit d'une villa à l'italienne avec façade aux portiques doriques et terrasse en fer forgé. Loin de Prague, il y règne une douceur maritime, avec flore abondante et des palmiers, cet endroit est idéal pour le vieux Charles, déjà apaisé et loin de ses vieux démons. Il profitait d'ailleurs de ce temps pour marcher au moins une heure par jour en compagnie de son fils, du jeune duc de Bordeaux et son ami Blacas.

Charles X, roi de France, par Thomas Lawrence, 1825 (Windsor Castle)

Le 2 novembre 1836, toute la famille s'apprête à fêter la Saint Charles, mais l'ancien souverain tombe malade. Pendant la messe du matin, Charles X est pris de frissons, et indisposé toute la journée. Il essaie de cacher sa faiblesse pendant les visites, dit des paroles aimables mais se couche sans dîner, trop épuisé. Son état physique change rapidement, ses yeux deviennent cerclés de violet, et sa peau pâlit, il se tord de douleurs et vomit durant la nuit. Le 5 novembre, le docteur Bougon, son médecin depuis vingt ans, déclare qu'il s'agit du choléra ! « J'ai bien souffert cette dernière nuit mais je ne pensais pas que cette maladie dût tourner si court » et le roi déchu demande à se confesser. On lui demande s'il donnait le pardon : « Comment ne leur pardonnerais-je pas ? Je l'ai fait depuis longtemps, je leur pardonne encore, et de grand cœur, que Dieu les garde. » Ses petits enfants, Henri et sa sœur Louise, viennent le voir et Charles leur demande de prier pour lui. Dans la journée, le malade se sentit légèrement mieux puis, il cessa de parler, même de gémir, jusqu'à sa mort, le 6 novembre 1836 à une heure du matin. Son fils, Louis-Antoine, lui ferma les yeux.

Mais comment, et où, organiser les funérailles d'un roi en exil ? Le comte de Metternich, chancelier impérial, annonce que les obsèques seraient « réglées d'après l'étiquette qui aurait fait loi si Charles X était mort à Paris. », autant dire qu'il eut des obsèques royales. Le 11 novembre, le cortège s'ouvre avec les pauvres de la ville, un flambeau à la main, un simple char funéraire tiré par six chevaux blancs encadrés par douze valets aux armes de la France, tandis que des troupes autrichiennes en tenue d'apparat blanc et or forment une haie longue sur un kilomètre, du palais à la cathédrale. Charles X est enterré au monastère de la Castagnavizza, à quelques kilomètres du palais et qu'il rêvait de visiter lors de ses promenades. Cela deviendra le Saint-Denis de l'exil car son fils Louis-Antoine y est enterré en 1844, son épouse Marie-Thérèse de France en 1851, le duc de Bordeaux (devenu comte de Chambord) en 1883 et son épouse Marie-Thérèse de Modène en 1886.

En France, on interdit les messes pour célébrer la mort de l'ancien roi, mais bien sûr quelques oraisons funèbres sont prononcées dans les campagnes ; les ambassadeurs étrangers ne doivent pas porter le deuil mais certains transgressent la règle comme en Russie ou en Autriche. Chateaubriand a eu le bon mot « Cette race qui n'a pas toujours su bien vivre sait admirablement mourir. »


Charles X a passé une grande partie de sa vie en exil, n'a régné que quatre années, et repose aujourd'hui loin de sa patrie. Se pose la question du rapatriement, beaucoup d'associations ont demandé à ramener les dépouilles royales à la basilique Saint-Denis, mais les moines du monastère entretiennent les sépultures avec soin, puis le comte de Chambord a demandé que son corps ne soit jamais rapatrié en France. Les derniers Bourbons reposent donc en Slovénie …  


1 commentaire:

  1. Par son immense défaut de culture politique et d’intelligence, Il a puissamment contribué à l’élimination du sentiment royal et à l’implantation des idées révolutionnaires. Irresponsable (?) depuis toujours, gamin mal élevé, mauvais roi, la France n’a pour lui qu’un sentiment fragile et mitigé. Un règne aux conséquences tragiques, en core aujourd’hui.

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